De Villeneuve, Arnaud (1245 - 1314)

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Arnaud, de Villeneuve, médecin de la fin du 15e siècle. On n’est pas d’accord sur l’époque et sur le lieu de sa naissance : les uns croient qu’il naquit à Villeneuve, petit village voisin de Montpellier ; d’autres hésitent, parce qu’il y a aussi en Catalogne, en Languedoc, en Provence, des bourgs de ce nom.

Quoi qu’il en soit, Arnaud eut beaucoup de réputation comme médecin, théologien et alchimiste. Ce n’est plus guère que sous ce dernier rapport qu’il peut être de quelque intérêt pour nous ; c’est en effet par lui et par Raimond Lulle, son disciple, que la chimie commença a faire des découvertes. Il découvrit les trois acides sulfurique, muriatique et nitrique ; il composa le premier de l’alcool, et s’aperçut même que cet alcool pouvait retenir quelques-uns des principes odorants et sapides des végétaux qui y macèrent, d’où sont venues les diverses eaux spiritueuses employées en médecine et pour la cosmétique.

On lui doit aussi les premiers essais réguliers de distillation ; il fit connaître l’essence de térébenthine ; il composa les premiers ratafias. Mais il fut conduit sur le chemin de ces diverses découvertes en se proposant de faire de l’or, et il assurait même en avoir le secret.

Arnaud est moins remarquable comme médecin ; cependant il est un des premiers docteurs de Montpellier qui se soient montrés moins serviles imitateurs des Arabes, dont la doctrine dominait alors tout le monde savant. Il connaissait plusieurs langues, surtout le grec, l’hébreu et l’arabe. Il voyagea en Espagne, et séjourna longtemps ensuite à Paris et à Montpellier ; il parait même assez prouvé qu’il fut quelque temps régent de la faculté de cette dernière ville. Malheureusement il associa à ses connaissances médicales proprement dites des rêveries sur l’astrologie : c’était la folie de son siècle ; il prédit la fin du monde, qu’il annonça devoir arriver en 1335. Le propositions qui lui attirèrent la censure ecclésiastique se réduisaient à celle-ci : « Les œuvres de charité et les services que rend à l’humanité un bon et sage médecin sont préférables à tout ce que les prêtres appellent œuvres pies, aux prières, et même au saint sacrifice de la messe. »

Poursuivi comme hérétique par l’université de Paris, il s’enfuit en Sicile, où il fut accueilli par Frédéric d’Aragon, et par Robert, roi de Naples : le premier lui confia même des missions diplomatiques. Le pape Clément V, étant tombé malade à Avignon, réclama les soins d’Arnaud, qui revint pour le soigner ; mais, dans la traversée, le vaisseau qui le portait fit naufrage ; et Arnaud périt à l’âge de 76 ans, en 1314, et fut enterré à Gènes. Le pape fut tellement affligé de sa mort, qu’il ordonna, sous peine d’excommunication, qu’on lui remit fidèlement un traité de Praxi medica, que lui avait promis le docteur. Les divers traités d’Arnaud se ressentent généralement, pour le fond et pour le style, du temps où il écrivait ; ils sont courts, et paraissent être plutôt des mémoires, des consultations que des traités dogmatiques.

Parmi ses ouvrages, nous citerons son commentaire sur l’école de Salerne, Scholæ Salernitanæ Opusculum, qu’il fit pendant sa retraite en Sicile ; un traité de conservanda Juventule et de regardante Senectute, qu’il dédia au roi Robert. Sans doute beaucoup des ouvrages qui lui sont attribués ne lui appartiennent pas ; car ce fut une pratique constante des alchimistes de mettre sous le nom de ceux qui avaient illustré leur secte un grand nombre de productions, afin de les faire passer à la faveur de ce nom célèbre : aussi plusieurs de ses œuvres véritables lui ont peut-être été dérobées. Il fut ridiculement accusé de magie, et Mariana va jusqu’à lui reprocher d’avoir essayé de former un homme avec de la semence, mêlée dans une citrouille à de certaines drogues ; ce bizarre essai ne supposerait tout au plus que la marche fausse d’un esprit bouillant et avide de connaissances ; du reste, c’était le reproche banal fait à tous les génies extraordinaires de ces temps de ténèbres. La condamnation qu’avaient portée contre Arnaud les théologiens de Paris, suspendue par la protection du pape Clément V, fut renouvelée, trois ans après la mort de ce pontife, par l’inquisiteur de Tarragone, et quinze des propositions de notre docteur furent censurées. Toutes les œuvres d’Arnaud ont été réunies en un volume. La première édition parut à Lyon en 1504, in-fol., avec une préface de Thomas Murchius. Il en a paru ensuite plusieurs du même format, Paris, 1509 ; Venise, 1514 ; Lyon, 1520, avec la vie d’Arnaud, par Symphorien Champier ; et à Bâle en 1515, 2 vol., avec quelques annotations de Jérôme Taurellus, de Montbelliard. Haitze, sous les noms de Pierre Joseph, a donné la Vie d’Arnaud, Aix, 1719, in-12. C. et A-N.

Source : Biographie universelle ancienne et moderne, Tome II, 1843 (2ème édition)
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Posté le 28/03/2024 17:42:18