Claude Ptolémée

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Posté le 05/05/2017 06:14:52
Extrait du livre "Le Livre Unique de l’Astrologie" écrit par Pascal Charvet , Professeur de Chaire Supérieure de Lettres Classiques, en collaboration avec le CNRS, notamment avec les scientifiques, Robert Nadal, Astronome, Yves Lenoble, Ethnologue et Jean-Marie Kowalski, Agrégé de Lettres Classiques.

« Imaginons l’un des plus grands savants de tous les temps, qui est à l’astronomie, à la géographie et à astrologie, ce qu’Archimède est à la physique, Platon à la philosophie et Hippocrate à la médecine.

Un homme qui sans l’ombre de la moindre croyance ou superstition, avec son esprit de tolérance, rend compte du savoir astrologique dans un ouvrage qui renouvelle le regard porté sur cet art du possible comme nul autre livre ne le fera par la suite.

Il est des livres uniques, soustraits aux contingences du temps et des lieux. Le Livre unique de l’Astrologie de Ptolémée est l’un d’eux : le passeur par excellence du savoir premier aux interrogations contemporaines.

Cet ouvrage qui fonde l’astrologie occidentale est aujourd’hui la pièce capitale qui clôt à sa manière, le procès intenté depuis des siècles au savoir astrologique par les tenants de la Raison.

Unissant dans une riche synthèse la science astronomique et le savoir conjectural de l’astrologie, mariant avec lucidité connaissance rationnelle et connaissance intuitive, il dépasse et abolit par sa rigueur et l’ampleur de ses vues les clivages ordinaires comme les sectarismes convenus.
Il est des hommes qui sont appelés à devenir tous les hommes.
Claude Ptolémée fut l’ un d’ entre eux.

Et pourtant, de celui que certains de ses contemporains n’évitèrent pas à nommer le » divin Ptolémée » nous ne savons presque rien.

Sa vie, sa date de naissance, le lieu où il est né, ce qu’étaient les siens, ses amours, ses amis, sa position sociale, son métier Sa vie, tout cela n’est pour nous qu’une longue suite d’énigmes.

Mystère d’autant plus troublant que le néoplatonicien Porphyre, commentant au III siècle les Harmoniques de Ptolémée, avoue déjà ne rien savoir de l’auteur.
Certains le font naître à Péluse, en Égypte , d’autres à Ptolémaïs, d’autres encore en font l’héritier des Ptolémées qui gouvernèrent les terres du Nil durant trois siècles, jusqu’au règne de Cléopâtre.

Ces incertitudes multiples semblent bien refléter la personnalité de cet homme qui choisit de ne jamais se dévoiler dans son œuvre, voire de s’effacer derrière elle, se situant, comme ses écrits, hors des réalités quotidiennes.

Son ouvrage d’astronomie, le premier texte qu’il rédigea, |’Almageste, nous livre cependant deux éléments certains, le lieu de ses observations, toutes effectuées à la latitude d’Alexandrie et leur date, la plus ancienne concerne une éclipse de Lune et nous conduit à la neuvième année du règne d’Hadrien (125 apr J.C) – la plus récente porte sur la planète Mercure et eut lieu la quatrième année du règne de l’empereur Antonin (en 141) – Nous pouvons donc estimer que l’Almageste fut publié vers le milieu du II siècle.

Un document archéologique découvert à Canope, l’actuelle Aboukir, ville toute proche d’Alexandrie, confirme cette hypothèse sur une colonne du temple de Sérapis est gravé un texte, que l’on date de l’an 10 de l’empereur Antonin, dans lequel Ptolémée récapitule les valeurs et les principes nécessaires pour l’exercice de l’astronomie.

La présence de cette inscription pourrait également corroborer une source tardive selon laquelle il aurait passé quarante ans dans cette ville.
De ces quelques indices nous pouvons conclure qu’il est né vers l’an 100 de notre ère et qu’il travailla surtout à Canope ou à Alexandrie.

Et en lui accordant au moins vingt à vingt-cinq années pour achever le reste de son œuvre, si nous plaçons la publication de l’Almageste vers 150, nous pouvons fixer sa mort vers 180.

Ptolémée aurait donc vécu 78 ans, conformément à ce que rapportèrent les commentateurs et les hommes de science arabe qui conservèrent et traduisirent ses textes, le tenant pour le plus grand et le plus magnifique des savants.

Aussi rien de plus choquant pour l’esprit que de constater que les Œuvres de celui que le savant Laplace désignait comme l’un des plus précieux monuments de l’Antiquité n’ait jamais connu d’éditions critiques ni de vraies traductions en français.

Il aura fallu attendre l’aube du troisième millénaire et ce clin d’ œil du sort pour que le livre fondateur de l’astrologie. à la fois traité et véritable encyclopédie, soit enfin donné au public francophone dans sa version authentique.

Jusqu’ici ce livre unique fut lu en France dans une traduction de seconde main, de Nicolas Bourdin, réalisée au XVII siècle à partir non de l’original mais d’une traduction latine qui en néglige de nombreux aspects ( A exception de la traduction de l’Almageste par le père Halma, aidé de l’astronome Delambre pour les commentaires 1813-1816 ).

La présente traduction du texte grec original rend donc de manière inédite l’ouvrage de Ptolémée à sa clarté et à sa rigueur initiales, dans un style accessible à tous, comme le souhaitait l’auteur qui entendait conduire son propos à « la manière d’un manuel enseignement systématique » .

Peut-être nous faut-il imputer cet oubli au fait que Ptolemée incarne encore dans certains esprits, la déroute du système géocentrique dont la science grecque avait fait l’hypothèse ?

Ce système, qui plaçant la Terre comme un point au centre de la sphère céleste, allait en effet constituer le cadre de référence, de la quasi-totalité des systèmes astronomiques et astrologiques jusqu’à sa remise en cause par Copernic. Mais ce sont là des reproches malvenus et les historiens des sciences ont depuis, largement réhabilité Ptolémée qui ne saurait être mis au rang des vaincus, pas davantage d’ailleurs que les autres savants grecs comme Euclide (IV siècle av J-C), qui dans la première proposition de son traité Phénomènes, fonda pour ainsi dire le géocentrisme : « La Terre est au milieu de l’univers et joue le rôle de centre par rapport à l’univers.

Les Grecs, en effet, plutôt que d’enregistrer les dérives apparentes des phénomènes célestes, avaient formulé l’hypothèse selon laquelle l’ensemble du cosmos devait répondre à des lois immuables d’une parfaite régularité.
Et c’est en partant de cette exigence de perfection cosmique que Ptolémée tenta lui aussi de rendre compte du désordre apparent du ciel , autrement dit pour reprendre la formule platonicienne (République 530b-c) de « sauver les apparences » en inventant un modèle géométrique permettant de retrouver une périodicité et une régularité parfaites aux phénomènes astronomiques.
La figure idéale de la sphère céleste avec en son centre la Terre permettait de traiter par la géométrie les problèmes posés et de rendre compte de façon satisfaisante de nombre de phénomènes, comme par exemple les éclipses ou les conjonctions des planètes.

Elle s’est donc logiquement imposée à Ptolémée comme le modèle façonnant la représentation scientifique du monde et du ciel.

Et même si cette représentation dut être abandonnée par la suite, le code scientifique que le savant d’Alexandrie établit dès le II siècle apr J-C permit les fécondes observations des astronomes dès XVI et XVII siècles, observations sans lesquelles ni Kepler ni Newton n’auraient vraisemblablement accompli leurs découvertes.

En outre, Il serait absurde de tenir grief à cet immense savant de l’utilisation faite par l’église, des siècles plus tard de cette hypothèse dont elle s’accommodait trop lien, alors que les Grecs la formulèrent à un moment où elle correspondait et suffisait aux objectifs de leur investigation scientifique.

L’oubli relatif dans lequel on a pu tenir Ptolémée durant l’époque moderne nous semble également traduire la crainte respectueuse et distante ressentie à l’égard de ce géant de la connaissance, de cet homme qui vécut en un temps où le savoir ne pouvait qu’être encyclopédique, où un savant, pour embrasser dans sa totalité le cosmos, c’est-à-dire, littéralement l’ordre et la beauté de l’univers, se devait de maîtriser à leur plus haut niveaux toutes les disciplines.

Cette exigence idéale nous fait, non sans quelque amertume, prendre conscience que nous avons perdu ce lien avec l’unité du savoir et, de là, avec l’unité du monde.

Ptolémée appartient au siècle des Antonins qui vit se succéder à la tête de l’empire romain Trajan, Hadrien, Antonin et Marc Aurèle qui régnèrent sans heurt une vingtaine d’années chacun, assurant la paix et la prospérité à l’intérieur des frontières, favorisant le goût pour les échanges culturels et commerciaux.

Si la curiosité intellectuelle s’étendant alors à tous les domaines, le climat intellectuel du monde méditerranéen, depuis déjà près de deux siècles, s’était métamorphosé : la civilisation grecque, qui aux III et II siècles av J -C avait tant prôné le rationalisme avait accompli dès le Ier siècle avant l’ère Chrétienne une profonde mutation.

Les grands savants comme Euclide, Archimède ou Eratosthène avaient disparu, et progressivement triomphèrent dans l’Empire romain les religions à mystère, les cultes orientaux et les pratiques magiques.

L’Hermétisme se développa avec son prophète plus ou moins mythique, le dieu Hermès/Thoth ou Hermès Trismégiste ( trois fois puissant ) qui donna naissance dans la culture alexandrine aux arts traditionnels du Ciel, de la Terre et de l’Homme, à savoir l’Astrologie, l’Alchimie et la Magie.

La vogue de l’astrologie est attestée dès le II siècle av J -C par l’apparition d’astrologues de métier et par nombre de manuels populaires circulant parmi un large public, telles les Révélations de Néchepso et Pétosoris composées sous le nom d’un pharaon qui ne semble pas, contrairement à ce que l’on a cru être imaginaire.

Les hommes, de plus en plus préoccupés par les techniques de salut individuel, se dirigeaient alors en nombre croissant vers l’occultisme. Habités par le sentiment que le monde terrestre est sous la domination de puissances mauvaises auxquelles il faut se soustraire, les uns cherchaient la révélation par un rêve, un oracle d’autres par l’initiation aux mystères, et d’autres encore par la lecture de livres sauts ou par le recours au service d’un magicien.

La philosophie aussi s’affirmait dispensatrice de salut : le philosophe était, selon les mots de Marc Aurèle : « une sorte de prêtre, un ministre des dieux » et son enseignement comme le souligneront les néo-platoniciens, a une valeur autant religieuse que scientifique.

Face à cette effervescence mystico-religieuse ne demeuraient, pour le dire un peu abruptement, que deux grands courants de pensée : l’un qui, avec les Péripatéticiens, les Académiciens et les Stoïciens, croyait en l’existence de lois gouvernant et ordonnant le monde, et l’autre, représenté par les Epicuriens, les Atomistes et les Sceptiques, qui mettait en avant le rôle du hasard dans la constitution de l’univers, conduit en quelque sorte par le médecin empiriste et polémiqueur talentueux Sextus Empiricus, pourfendeur de tous les dogmatismes.

La ligne de partage entre ces deux grandes tendances recoupait plus ou moins celle qui séparait les tenants de la science, des sceptiques.

C’est alors qu’on voit se multiplier comme une réponse à cette vague d’irrationalisme et de scepticisme des traités de vulgarisation résumant les connaissances acquises et se proposant dans les domaines les plus divers de faciliter l’accès au savoir.

Ainsi Théon de Smyrne qui, sous Hadrien propose une sorte de manuel intitulé les Connaissances mathématiques utiles pour lire Platon ou Cléomède, farouche stoïcien, qui dans son Mouvement circulaire des corps célestes, expose ce qu’il convient de connaître en astronomie et en géographie mathématiques.

Parmi ces productions, celles de Ptolémée sont d’une tout autre qualité, l’homme a conservé un des traits de génie caractéristiques des premiers savants grecs, l’adoration du cosmos visible, le sentiment d’union avec lui, ainsi que, face à cet ordre du monde, l’affirmation de la puissance égale de l’esprit.
Aux prises avec la montée des sciences occultes, Ptolémée bâtit son oeuvre comme un rempart accomplissant la synthèse du savoir de son époque tout en y ajoutant sa touche propre.

A lui seul, le premier ouvrage de Ptolémée, la Syntaxe mathématique auquel les Grecs, qui l’admiraient tant, donnèrent le nom de » très grand » mégitsté, qui fut repris par les Arabes sous la forme al magisti, dont on fit Almageste, aurait suffit à assurer sa gloire.

Il y aborde les principaux phénomènes célestes, résumant et maîtrisant d’une manière inégalée tout le champ de l’astronomie.

Dans ce même domaine, il publia encore des œuvres déterminantes comme les Hypothèses des planètes, les Tables faciles, un traité sur l’analemne, et le Planisphère.

De la même manière qu’il dressa la carte du ciel étoilé, il dessina l’image d’ensemble du monde mettant à jour les coordonnées géographiques dans un ouvrage sans équivalent dans la littérature antique : la Géographie. Mentionnons encore, pêle-mêle, un traité d’optique dont l’influence s’exercera jusqu’au XVII siècle, un ouvrage de philosophie, Sur le critère et la fonction principale de l’âme, et un ouvrage de musique, les Harmoniques qui contribua largement au développement de la théorie musicale au XVI siècle.

Ptolémée s’empare du sujet de l’astrologie guidé par l’esprit et l’idéal scientifiques qu’il s’est forgé en rédigeant l’Almageste.

Entre les débuts de l’astrologie dans le monde grec et le moment où l’astronome rédige le Tetrabible vers 155, près de cinq siècles se sont écoulés.
Inventé à Babylone bien que d’autres sources indiquent que c’est en Égypte, l’art de la prévision s’était répandu en Égypte permettant au lecteur grec vivant à Alexandrie dès le III siècle av. J.-C., de s’en faire une idée précise grâce aux écrits d’un prêtre Chaldéen,Bérose.

Durant ces cinq siècles, le savoir astrologique se mêla à la sagesse des temples égyptiens aux mathématiques et à la philosophie naturaliste grecques ; les techniques s’affinèrent jusqu’à proposer une casuistique astrologique qui ne connaissait plus de limites.

Les manuels courants d’astrologie exposaient ainsi une infinités de combinaisons entre les Signes zodiacaux, les planètes, les positions et les rapports entre eux des divers corps célestes, combinaisons fondées sur des calculs précis mais aussi sur des prémisses le plus souvent arbitraires.
A ces répertoires minutieux et d’une incroyable complexité, Ptolémée préfère les principes solides et assoit l’astrologie sur un corps de doctrine étroitement structuré, sur un système de correspondances géométriques et déduites logiquement.

Comme il se plaît à le souligner, il veut faire œuvre de phusikos (physicien ) c’est-à-dire d’observateur scientifique de la nature, car toute connaissance de la nature ne saurait résulter de la seule raison humaine.

La puissance de la raison est en effet à ses yeux, le premier mode d’accès à la diversité du monde, le moyen de découvrir les lois qui l’enveloppent et le pénètrent tout entier.

Aussi distingue t’il d’emblée l’astronomie de l’astrologie prévisionnelle héritée de Babylone : la première a le statut de science certaine car la régularité et l’éternité des mouvements des corps célestes analysés grâce à l’instrument sûr que sont les mathématiques garantissent la fiabilité de l’examen; et la seconde a le statut de science conjecturale, car l’objet de son étude est l’effet produit par les configurations des astres sur notre monde sublunaire.

Or la réalité de la nature de ce monde est difficilement perceptible avec exactitude par la raison humaine : soumise à une infinité de variables, cette nature est le jeu des forces apparemment opposées ou contradictoires qui la conditionnent.

Ptolémée dit donc, avec les mots lucides d’un humaniste, les limites de cet art du possible : » Plutôt que de demander n’importe quoi à l’art de la prévision d’une manière péremptoire et trop humaine, apprécions-le dans toute sa beauté, même dans les cas où il ne peut nous fournir de réponses exhaustives ».

Et il place l’astrologie prévisionnelle dans une relation de dépendance à l’égard de la théorie par excellence qu’est l’astronomie : l’Astrologue se doit d’élaborer ses conjectures à partir des mouvements célestes décrits par l’astronome.
Les deux disciplines sont à la fois distinguées et réunies, comme « mère et fille », ainsi que le formulera plus tard Kepler.

Ptolémée débarrasse aussi l’astrologie de tout un contexte de magie et d’occultisme faciles, et il dénonce avec vigueur les charlatans de son époque qui, « appâtés par le gain, abusent le profane en feignant d’accomplir des prévisions, même sur des questions qui par nature ne relèvent d’aucune connaissance anticipée ».

Comment ne pas entendre en résonance à la diatribe de Ptolémée, bien que formulés avec les mots du poète, ces propos d’André Breton : » L’astrologie est à mon égard une très grande dame, fort belle et venue de si loin qu’elle ne peut manquer de me maintenir sous le charme. Elle me paraît détenir un des plus hauts secrets du dommage qu’aujourd’hui – au moins pour le vulgaire – trône à sa place une prostituée « .

Confronté à un certain nombre de pratiques et de traditions qui masquent les fondements légitimes de l’astrologie, Ptolémée entreprend d’organiser et rationaliser ce matériau anarchique et foisonnant, et de combiner son propos non de manière ésotérique, mais avec un tour simple et direct.

En premier lieu, Il taille et débroussaille pour restaurer, tout en innovant, le lien avec les traditions originelles.

Ce qui frappe de prime abord, c’est ici l’absence de références aux différents courants et écoles contemporaines.

Le Tetrabible pourrait sembler sorti tout droit de son imagination.
Le savant ne se réfère qu’aux Anciens et cela par un terme générique : hoi palaioi « ceux d’autrefois » rappelant simplement certaines de convictions.
Il ne donne pas non plus de sources, à la différence des autres auteurs qui couvraient leurs propos de l’autorité des Chaldéens ou des écrits égyptiens de Néchepso et Pétosoris.

De ces deux grandes traditions qu’évoque Ptolémée à propos de la définition des Termes (ou Territoires des planètes), nous savons par l’archéologie et entre autres, par Théon de Smyrne que les Chaldéens se consacraient essentiellement à une astrologie plutôt descriptive, faite de compilations d’observations sur la coïncidence et la périodicité de certains phénomènes, de listes de données sur la longueur relative des jours au cours de l’année et la position des étoiles, et se servaient de nombreux calculs, tandis que les égyptiens cherchaient eux, à établir une grille de correspondances géométriques entre les différentes parties du Zodiaque.

Les premiers mettaient en œuvre une astrologie arithmétique, les seconds une astrologie graphique ou géométrique.

Nul doute, à nos yeux, que Ptolémée ne soit pour certaines questions essentielles retourné à l’esprit de ces traditions premières.

Cela est en particulier perceptible dans la manière dont il pose la relativité du déterminisme astral expliquant : » comment on en vint à l’erreur de considérer que tous les évènements futures arriveraient de manière infaillible et inéluctable pour ne pas avoir tenu en compte de la multiplicité des forces antagonistes ».
A sa façon, il retrouve, sinon le corps de doctrine, du moins la conception selon laquelle l’avenir et le destin annoncés par les astres chez les Chaldéens n’étaient : « qu’un avenir et un destin conditionnels ».

Là où les Chaldéens parlaient de « rituels d’exorcisme » afin d’obtenir la mise à l’écart du mal qui risquait de survenir, le savant d’Alexandrie en « physicien » désigne des « forces antagonistes », affirmant que « si l’événement a été prévu et les remèdes appliqués, alors, en accord avec la nature et le destin, l’évènement ne se produira pas ou ses effets seront atténués ».

Paradoxalement, ce ne sont pas les Chaldéens, dont les.conceptions étaient connues à ce sujet qu’il évoque, mais les Égyptiens, et cela dans une intention polémique manifeste.

A ceux qui déjà à son époque se prévalaient en astrologie de la croyance égyptienne en un destin inéluctable, Ptolémée répond que les sujets des pharaons » n’auraient jamais fait certaines offrandes pour détourner le mal ni utilisé des remèdes pour influer sur le cours d’une prévision s’ils avaient été convaincus de l’immuabilité et de l’irréversibilité du futur »

Malgré ce jugement, jusqu’à aujourd’hui encore c’est l’idée que l’astrologie égyptienne annonçait des événements inévitables conformément au plan des décrets du destin qui l’emportait.

Or une découverte archéologique toute récente est venue corroborer les propos de Ptolémée.

En 1998, Franck Goddio retrouva dans la baie de Canope les fragments d’une chapelle des décades ( le naos des décades ).

Le déchiffrage qu’en a effectué Jean Yoyotte modifie pour une part ce qu’on pensait savoir des croyances communes astrologiques des égyptiens. Cette chapelle de basalte qui date à peu près du milieu du IV siècle av. J-C, donc antérieure à la fondation d’Alexandrie par les Grecs, fut construite à Saft au bord de l’isthme de Suez, puis transportée à Canope entre le Ier et le IIe siècle. Sur les fragments retrouvés sont signalés, entre autres, décade par décade, l’influence d’un dieu du ciel et les symptômes d’une maladie avec la durée des Fièvres qui l’accompagnent.

Il est aussi fait allusion aux prières qu’il faut adresser à ce dieu, au fur et à mesure de l’apparition des décans pour l’apaiser.

Et il est rappelé que le roi accomplit des offrandes rituelles « pour protéger le pays du malheur », ce qui implique très logiquement que le déterminisme des astres peut être modifié par des prières appropriées.

Le sage Ptolémée réanime ainsi l’esprit raisonnable de cette astrologie naissante qui ne comportait rien du fatalisme rigoureux et décourageant que certains Grecs et certains Romains lui conférèrent par la suite.

La présence à Canope de cette chapelle à l’époque où Ptolémée y a peut-être séjourné nous apparaît comme une coïncidence émouvante.

Rien n’indique qui l ‘ait connue, mais l’insaisissable image du savant devient un peu plus familière grâce à ces morceaux de basalte, fragments de mémoire arrachés aux vagues obscures qui depuis des siècles roulent sur les quartiers de la ville engloutie.

Mais, s’il reste fidèle à la sagesse originelle de l’astrologie, Ptolémée n’en innove pas moins considérablement affirmant dès le début de son ouvrage, sa conviction qu' » un certain pouvoir venu de la Nature éthérée et éternelle se répand et pénètre l’entière enveloppe terrestre (…) ; le feu et l’air sont entourés par les mouvements de l’éther, mais, à leur tour, le feu et l’air meuvent tout le reste : la Terre, l’eau, les plantes et les animaux « .

Le trait de génie de l’astronome fut de regrouper les effets matériels de ce « certain pouvoir » certes sous l’égide des quatre éléments qui sont supposés composer le monde à l’époque : le feu. la terre, l’eau et l’air.

Certes, Ptolémée n’invente pas ces éléments, mais il les transpose pour la première fois dans le champ de 1’astrologie.

Il emprunte également à Aristote sa théorie de la matière pour en faire les quatre effets principaux de sa physique astrologique, expliquant ainsi le pouvoir des astres par l’action qu’exerce la nature chaude, sèche, humide ou froide, répartie de manière diverse dans les planètes, les étoiles et sur la nature terrestre, elle aussi constituée d’éléments composites.

Et de même que les combinaisons du chaud de l’humide, du sec et du froid, variant en fonction des diverses configurations des corps célestes, permettent de prévoir les phénomènes atmosphériques et d’instaurer une astro-météorologie qui sera florissante jusqu ‘au XVII siècle dans les almanachs, des astronomes aussi fameux que Tycho Brahé ou Kepler la pratiquèrent ».

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Invité Invité
Posté le 28/03/2024 10:30:47
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