Mercure, le dieu malin

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Posté le 01/05/2018 06:07:04
Il faut se souvenir de la naissance étonnante de ce jeune dieu irrespectueux. Sa mère, Maïa, l’a couché. Il vit depuis quelques heures à peine lorsqu’il sort de son berceau et va voler les bœufs qui appartiennent à Apollon, les cache dans une grotte en prenant soin d’effacer la trace de leurs sabots, ramasse une carapace de tortue pour en faire une lyre et regagne son berceau où il jouera les angelots endormis.

Apollon, lui, se rend compte de la disparition de son bétail. Il vient se plaindre à Maïa qui n’en croit pas ses oreilles lorsqu’il lui dit : « Ton fils m’a volé mes bœufs ». En toute bonne foi, elle affirme l’innocence de son fils.

Mercure-Hermès, et ce n’est pas un hasard, apparaît comme un dieu au double visage, à la double nature. Ailé, léger, ses « talaria » aux pieds, rapide comme le vent, il ne pèse pas sur ce sol qu’il parcourt pour porter les nouvelles, jouer les messagers et les intermédiaires. Il représente le « Trickster » des Jungiens, le joker du jeu de cartes, ludique par excellence, ingénieux et irrévérencieux. Malin, débrouillard et aérien.

Certes Hermès le Grec et Mercure le Romain sont une seule et même figure, mais on « entend » leur nom d’une manière un peu différente.

Hermès, cette autre face de Mercure, a qualité d’initié, accompagnateur des âmes, mercure alchimique, médiateur de l’essentiel.

Mais les ambiguïtés ne manquent pas qui nous font passer le Mercure à Hermès et d’Hermès à Mercure. Hermès est un dieu aimable, serviable, plein d’une bonne volonté que rien ne décourage, venant en aide aux dieux comme aux mortels. Il mettra souvent Ulysse en garde contre divers dangers et notamment contre les pouvoirs de Circé la magicienne.

Apollon lui enseigne bien des choses. Il n’a point de rancune pour le jeune dieu qui lui a joué bien des tours dès le berceau et il a pardonné du vol du bétail qu’il lui a restitué contre la lyre fabriquée avec la tortue. Hermès amuse Apollon comme il amuse d’autres dieux, et parfois les irrite. Apollon lui enseigne les arts divinatoires. Les fées lui devront sans doute leur « baguette magique ».

Dieu libre, impertinent, jamais servile, il agace les dieux parce qu’il leur vole des objets ou les leur cache. Il dérobera son épée à Arès/Mars, son trident à Poséidon/Neptune… Il vole ainsi à Aphrodite/Vénus une sandale et la lui rend que contre un odieux chantage : elle devra se donner à lui ! Mais on sait que les femmes pardonnent facilement aux hommes d’esprit et les déesses, sans doute, n’échappent pas à la règle. Hermès possède ce pouvoir et il en profite sans scrupule. De son union avec Aphrodite/Vénus naîtra Hermaphrodite, créature étrange à la fois mâle et femelle. Hermès ne peut rien faire comme les autres… pas même les enfants !

Par ailleurs, il possède un exceptionnel sens de l’orientation et il montre le chemin à qui le lui demande. Ce qu’il enseigne n’est pas toujours très moral comme duper, truquer ses comptes. Il devrait être le patron des contribuables ! Ce n’est pas le plus scrupuleux des dieux mais, par-dessus tout, il a le goût du jeu.

L’autre visage du dieu nous montre l’émissaire auprès d’Hadès, l’habile négociateur, le diplomate. Psychopompe, c’est lui qui accompagne Orphée jusqu’aux Enfers lorsque celui-ci vient chercher, éperdu, sa jeune fiancée trop tôt ravie à son amour. De tous côtés, on le remercie, on le prie, on le fête. Et il fait songer à ces saints devant la statue desquels on accumule les ex-voto, pour un objet retrouvé, une guérison. Rien n’a changé.

Il court, comme le « furet du bois joli ». Et il va vite. On perçoit bien là sa maîtrise sur le signe des Gémeaux et ces Dioscures vainqueurs des Jeux olympiques. Mais il est aussi celui qu’on retrouve en Egypte sous les traits de Thot ou d’Anubis, guide des âmes. Comme le Grand Hermès, il assumera aussi le rôle d’inventeur des sciences et des arts, de la magie et de la philosophie qui portera son nom : l’hermétisme. Pour interpréter les rêves, c’est à lui qu’il convient de s’adresser.

De qui est-il le fils ? De Maïa, violée par Zeus/Jupiter. Mais, selon Robert Graves, son nom évoquerait la pierre phallique ou la pierre de borne, sur les routes, au carrefour, pour guider le voyageur. Il accorderait l’éloquence, l’art du bien-parler… et même le succès aux concours ou aux examens. D’ailleurs, les beaux aspects de Mercure à Jupiter en portent souvent témoignage. Il aurait même inventé la géomancie et un jeu divinatoire avec des osselets. Peut-être ceux-là mêmes qu’on aperçoit aujourd’hui encore dans les musées étrusques de Toscane.

Robert Graves lui prête même l’invention d’un alphabet cunéiforme « qui aurait été introduit de Grèce en Egypte », puis en Béotie et en Italie. Hypothèse évidemment contestée par les spécialistes qui estiment que le premier alphabet aurait vu le jour en Egypte. Peut-être, dit-on encore, a-t-il existé un alphabet sacré et secret, conservé par les trois Parques. Hermès Trismégiste serait à la fois roi, prêtre et législateur, ou magistrat. Et la Table d’Emeraude contiendrait les trois parties de la philosophie du monde. « Il monte de la terre au Ciel et derechef il descend en terre et il reçoit la force des choses inférieures et supérieures ».

A Hermès encore, on prête bon nombre d’inventions ou de pratiques : les échelles musicales, l’astronomie, les poids et mesures, la culture de l’olivier, la gymnastique et la boxe. On retrouve, au moins dans ces deux dernières spécialités, la trace de nos Dioscures.

Une autre version, d’ailleurs, voudrait que les Dioscures soient nés non de Léda mais de Némésis « Vengeance divine », avec toujours Zeus/Jupiter pour père, qui aurait confié les œufs à Léda et d’où seraient nés Hélène, Castor et Pollux. On aurait alors perdu Clytemnestre en route.

Source: Dieux et Héros du Zodiaque – Joëlle de Gravelaine – Robert Laffont Editeur
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Posté le 25/04/2024 19:43:06
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