Introduction à l'étude de la Magie

Qu’est-ce que la Magie ?

Un raisonnement succinct va le faire comprendre.

« Au moyen âge, dit l’illustre M. Berthelot [1], on était accusé de magie quand il était établi que l’on s’était efforcé sciemment, par des moyens diaboliques, de parvenir à quelque chose. »

Au XXe siècle, on peut se trouver encore accusé de magie quand il est établi que l’on s’efforce par des moyens prétendus surnaturels de parvenir à des résultats déclarés impossibles à obtenir par toute autre voie.

La question, en dépit des courageux savants qui ont osé braver cette accusation, n’a pas fait un pas : au moyen âge on brûlait vifs les magiciens; au XXe siècle, on les couvre de ridicule, — ce qui est encore pis, car le ridicule n’a jamais enfanté de martyrs.

La science moderne, dans son horreur du surnaturel, — horreur légitime, qui semble, du reste, avoir été de tout temps la caractéristique de la vraie science, — rejette impitoyablement chaque tentative qui lui paraît opérée suivant des principes ignorés de ses dogmes établis. Ainsi elle rejette le miracle de même que tout fait relevant du domaine de la religion.

La religion, de son côté, a horreur de la science ; elle a peur que la science divulgatrice ne se mette à scruter ses pratiques et n’entrevoie là un vaste domaine de faits, naturels et patents, qui, réduits à leurs justes proportions, rendraient inutile tout hiératisme ; elle a peur, en un mot, que le savant ne se substitue au prêtre. Alors, elle rejette tout miracle qui n’est pas opéré suivant les principes consacrés dans ses dogmes établis.

Ainsi, quiconque fait et réussit une expérience, en dehors des lois scientifiques reconnues, se voit impitoyablement traité d’échappé de cabanon par la science et de suppôt d’enfer par la religion [2].

Et chaque parti a un mot tout prêt pour désigner ce dément et ce damné ; il dit : c’est un magicien.

De sorte que le magicien est simplement un chercheur qui tente de faire rentrer le surnaturel dans le naturel et que la magie n’est, après tout, selon l’expression de Karl du Prel, « que la science naturelle inconnue ».

Heureusement que notre époque, riche en esprits libérés de préjugés, a enfanté certains hommes qui ne craignent pas de s’aventurer sur ce terrain brûlant, domaine de l’occulte. C’est ainsi que nous voyons renaître l’Astrologie et l’Alchimie et que la Magie proprement dite se trouve de nouveau l’objet d’études positives et approfondies.

Aujourd’hui, le départ est fait entre ces trois modes des sciences anciennes que jadis on confondait sous le même vocable.

L’Astrologie traite des corps célestes dans leur nature et dans leurs mouvements : elle est une science des mondes.

L’Alchimie s’occupe de la matière dans son essence et dans son évolution, elle complète la chimie : c’est une hyperchimie.

La Magie se réserve les fluides, qui sont à proprement parler une manifestation d’un état énergétique de la matière et que la science actuelle connaît en partie : elle commence là où la physique s’arrête, elle est une hyperphysique.

Mais il y a lieu de distinguer la science du charlatanisme, la religion de la superstition.

Le charlatanisme, c’est la hâblerie qui cherche à s’imposer en usurpant les procédés de la science froide et positive.

La superstition, — mot venant, ainsi que l’a justement fait remarquer Eliphas Levi, d’un verbe latin signifiant survivre, — « c’est le signe qui survit à la pensée, c’est le cadavre d’une pratique religieuse [3] ».

Et la Basse Magie est à la fois l’une et l’autre : c’est une superstition, en ce sens qu’elle forme un résumé de pratiques qui ont été raisonnables, et c’est un charlatanisme, parce que ces pratiques ont été déformées, comme à plaisir, par des gens qui ne cherchaient qu’à illusionner leurs semblables. De sorte que la Basse Magie n’est qu’une affreuse caricature de la science suprême des mages et qu’elle mérite tout le mépris que les siècles lui ont témoigné en la dénommant tout à tour : sorcellerie, goëtie ou magie noire.

La Haute Magie a donc droit à l’attention des gens les plus graves, des esprits les plus éclairés. Elle apparaît comme une science très incomplète, parce que ses secrets ont jusqu’ici été voilés par le mystère des symboles et qu’il demeure fort difficile d’en apercevoir les lois. Néanmoins, elle présente un puissant intérêt que Max Muller n’a pas hésité à reconnaître : « On se bornera à constater — a-t-il dit — que tout charme magique, si absurde puisse-t-il paraître aujourd’hui, a dû primitivement avoir sa raison d’être dont la découverte est le point culminant de nos recherches [4]. »

La Haute Magie repose sur le principe qu’il existe dans la nature des forces cachées, que l’on nomme fluides [5].

Ces fluides sont de trois natures :

  1. Magnétique et purement terrestre ;
  2. Vitale et principalement humaine ;
  3. Essentielle et généralement cosmique.

Ce que sont les fluides magnétiques, il est inutile de le dire, la physique moderne se servant de l’électricité d’une façon beaucoup plus complète que les mages de l’Inde ou de la Perle, — les plus réputés des mages, — n’ont jamais pu le faire. Mais l’électricité n’est qu’une des formes des fluides terrestres ; les autres sont seulement soupçonnées par les savants.

Les fluides vitaux sont ceux auxquels il faut le plus communément attribuer les faits du psychisme, c’est-à-dire les manifestations mystérieuses et hyperphysiques de l’Etre. Voici ce que dit à leur sujet le docteur Baraduc : « En dehors des substances chimiques, solides, liquides ou gazeuses, en dehors des modes connus de l’énergie qui pénètrent les corps et en élaborent la charpente matérielle, l’homme est pénétré d’une force de vie supérieure aux forces connues, supérieure par son activité, son intelligence ; elle est en harmonieux échange avec notre propre force vitale qu’elle entretient, et intervient dans la constitution de notre corps vital fluidique, âme humaine, spiritus vitae de Paracelse.

« Par son contact intime avec l’esprit et la matière, par les prédominances psychiques ou physiques, qui en résultent, elle fait le tempérament vital, la personnalité de chacun.

« Dans l’ensemble des forces qui nous entourent, il en existe d’absolument inférieures, brutales, définies ou à l’état libre, les unes avides d’adaptation, les autres plus ou moins adaptées, c’est-à-dire plus ou moins intelligentes, jusqu’aux intelligences supérieures qui forment des êtres réellement à part [6] »

Quant aux fluides essentiels (et, pour mieux dire, cosmiques), ils sont d’un ordre plus élevé ; la magie seule a osé s’en préoccuper ; ils coopéreraient à la direction générale de l’Univers.

Mais il faut prendre garde aux noms par lesquels ces fluides étaient désignés dans l’antiquité : ils varient suivant la manière adoptée par chaque peuple pour en présenter les éléments d’une théorie réservée à un petit nombre d’initiés, et d’après cette considération, demeurée secrète.

La Haute Magie envisage donc des forces peu connues, mais naturelles, qui peuvent s’utiliser sous quatre formes :

a)

  1. L’homme agissant sur lui-même ;
  2. L’homme agissant sur le monde extérieur à lui ;

b)

  1. Les fluides agissant dans l’astre (la Terre) ;
  2. Les fluides agissant hors de l’astre (dans le système solaire).

Les deux premières formes se rapportent aux fluides dont dispose l’homme, et les deux dernières aux fluides répandus dans la Nature.

De là, suivant les conceptions anciennes, deux sortes de Magie : la Magie microcosmique (a) et la Magie macrocosmique (b).

Mais chacune de ces quatre formes peut s’exercer sous deux modes :

a)    Le mode personnel ;
b)    Le mode cérémoniel.

Le mode est personnel quand le phénomène s’opère sans le secours d’aucun rite extérieur. Il est cérémoniel dans le cas contraire.

C’est par ce dernier mode que la Haute Magie confine au domaine des religions. On peut même dire que la religion, dans ses manifestations extérieures, ne saurait être autre chose que la Haute Magie cérémonielle.

Charles Barlet dit à ce propos : « La Magie cérémonielle est une opération par laquelle l’homme cherche à contraindre, par le jeu même des forces naturelles, les puissances invisibles de divers ordres à agir selon ce qu’il requiert d’elles. A cet effet, il les saisit, il les surprend, pour ainsi dire, en projetant, par l’effet des correspondances que suppose l’unité de la Création, des forces dont lui-même n’est pas le maître, mais auxquelles il peut ouvrir des voies extraordinaires. De là ces pantacles, ces substances spéciales, ces conditions rigoureuses de temps et de lieux qu’il faut observer sous peine des plus grands dangers, car si la direction dirigée est tant soit peu manquée, l’audacieux est exposé à l’action de puissances auprès desquelles il n’est qu’un grain de poussière.

« La Magie cérémonielle est d’ordre absolument identique à notre science industrielle. Notre puissance est presque nulle auprès de celle de la vapeur, de l’électricité, de la dynamite ; mais en leur opposant, par des combinaisons appropriées, des forces naturelles aussi puissantes qu’elles, nous les concentrons, nous les emmagasinons, nous les contraignons à transporter ou à briser des masses qui nous annuleraient, à réduire à quelques minutes de temps des distances que nous ne pourrions parcourir qu’en plusieurs années ; à nous rendre mille services [7]. »

Quant à la magie personnelle, son importance n’est pas moindre. Elle seule pourra jamais divulguer les secrets du mécanisme de deux forces dont l’homme se sert quotidiennement, même quand il ne fait que de la Magie à la façon dont M. Jourdain faisait de la prose : l’Amour et le Verbe.

L’Amour est ce puissant levier que Lucrèce invoquait en ces termes au début de son poème :

AEneadum genitrix, hominum divomque voluptas,
Alma Venus, coeli subter labentia signa
Quoe mare navigerum, quoe terras frugiferentes 
Concelebras; per te quoniam genus omne animantum
Concipitur, visitque exortum lamina solis [8],

dont Dante précisait le rôle en ce vers, conclusion de son œuvre :

L’Amor che muove il sole e l’altre scelle [9],

et dont Papus a dit fort judicieusement :

« L’Amour, depuis l’affinité mystérieuse qui pousse l’atome vers l’atome, depuis l’impulsion insensée qui porte l’homme vers la femme aimée à travers tous les obstacles, jusqu’à l’entraînement mystérieux qui jette l’intelligence, affolée d’inconnu, aux pieds de la Beauté ou de la Vérité, l’Amour est le grand mobile de tout être créé agissant en mode d’immortalité.

« Voilà pourquoi, ajoute-t-il, la Magie considérée synthétiquement est la science de l’Amour [10]. »

Mais la Magie est aussi la science du Verbe. Et le Verbe est un autre levier, plus puissant et plus mystérieux encore que l’Amour. Le Verbe est, dans la nature terrestre, l’apanage de l’homme seul : c’est par lui qu’il exprime sa pensée, qu’il communique avec ses semblables, les convainquant à ses propres idées, les guidant, les conduisant ; c’est par lui encore qu’il arrive à déchaîner l’amour chez une individualité de sexe opposé au sien. Le Verbe est presque inconnu. Le docteur Baraduc en a constaté toutefois la puissance, et ses constatations corroborent les principes magiques : « Le Verbe, dit-il, va jusqu’à modifier la vitalité viscérale et psychique du sujet que, tour à tour, il rend subjectivement malade ou bien portant ! »

On voit combien sont troublants les problèmes auxquels la Haute Magie s’attaque, on voit aussi combien sont profonds les mystères dont elle soulève le voile.

On comprend que ces problèmes et ces mystères refroidirent singulièrement l’enthousiasme de la plupart des adeptes et que nul n’ait voulu prendre sur soi la responsabilité de les divulguer.

On comprend aussi que la sagesse la plus élémentaire interdisait de mettre au service du premier venu ces leviers et ces forces redoutables, et qu’aujourd’hui encore, malgré l’instruction généralisée, malgré le degré très élevé d’évolution du public, on ne saurait trop conseiller la prudence. « Il ne faut pas jouer avec des forces inconnues ! » s’écrie le colonel de Rochas. « Il ne faut pas faire de la chimie sans en posséder les premiers éléments », ajoute Charles Barlet. Et, en effet, ils ont raison : on ne confie pas une automobile à quiconque en ignore la conduite, on ne laisse pas impunément fabriquer des explosifs, ni même exercer la pharmacie ou la chirurgie.

Mais il ne s’ensuit pas que la mécanique, la chimie, la pharmacopée ou la chirurgie doivent demeurer inconnues et que, sous prétexte qu’on ne puisse les exercer sans études spéciales, il faille empêcher de les comprendre.

Et il en est, ce semble, de même pour la Haute Magie.

D’ailleurs, les opérations magiques ne sont pas livrées au pur caprice de l’homme : elles exigent certaines conditions cosmiques, se traduisant par une particulière détermination de l’individu qui opère, du sujet sur lequel il est agi, du lieu et du moment où les phénomènes se passent, — sans quoi le résultat est impitoyablement négatif.

De sorte qu’on n’est pas magicien comme on veut, ni à n’importe quel moment.

La Magie — ce qui est logique — ne peut en aucune façon, même infime, troubler la majesté de l’ordre universel. Cette vérité a été trop méconnue.

Et, cependant, il fut dit naguère avec autorité : « ... C’est la tant célèbre magie naturelle, nommée de Platon cognoissance des choses occultes par la coniunction, participation et association deuëment faicte de l’agent auec le patient, c’est-à-dire du ciel auec la terre [11] » Et encore : « La principale cause de quoi se servent les charmeurs pour ensorceler avec une plus grande efficacité et véhémence, c’est la force et l’influence des corps célestes qui s’étend non seulement sur les hommes, mais aussi sur les bêtes brutes, sur les arbres et sur les pierres [12]. »

Ainsi l’étude de la Haute Magie devient légitime et profitable.

Mais elle ne laisse pas que d’être fort difficile.

Elle exige d’abord de qui veut l’entreprendre des qualités, inutiles en toute autre science, de bibliophilie : les textes qui s’y réfèrent, sont des ouvrages très rares qu’on ne se procure qu’à un prix élevé, ou même qui n’existent que dans les bibliothèques, dont certaines sont rigoureusement privées. On ne peut raisonnablement s’occuper d’une science dont on ne trouve que des bribes éparses en mille endroits divers : on risque de perdre en préparation un temps précieux, plus judicieusement utilisable d’une manière scientifique.

1. Marcelin BERTHELOT, Origines de l’Alchimie.

2. Voici ce qu’écrit un auteur contemporain du parti de la religion : « Les expériences répétées du colonel de Rochas nous ont révélé, semble-t-il, l’existence d’une loi ignorée jusqu’ici et dont le démon se servirait dans certaines circonstances par le ministère des sorciers et magiciens. » BERTRAND, Science et Religion : La Sorcellerie, Paris, 1899, p. 60.

3. Eliphas LEVI, Dogme et Rituel de Haute Magie.

4. Max MULLER, Nouvelles Etudes de Mythologie.

5. Voir, à ce sujet, l’ouvrage du Dr G. LE BON, L’Evolution de la Matière et toute la série des travaux de divers savants qui, depuis 1907, ont été publiés en France et à l’étranger sur l’Energétique et les forces du monde dit intermédiaire.

6. Dr BARADUC, La Force vitale, conclusions.

7. F.-Ch. BARLET, article de L’Initiation (janvier 1897).

8. Mère des enfants d’Enée, agrément des hommes et des dieux, bénéfique Vénus, toi qui, sous les signes mobiles du Zodiaque, anime la mer navigable et la terre fructifiante, puisque c’est par toi que toute la gent vivante est engendrée et reçoit, à sa naissance, les lumières du soleil... (LUCRÈCE, De natura rerum).

9. L’Amour qui fait mouvoir le soleil et les autres étoiles (DANTE, La Divine Comédie).

10. PAPUS, Magie pratique. (Éditions Dangles, Paris).

11. MIZAULD, Secrets de la Lune.

12. Léonard VAIR, Trois Livres des charmes, sorcelages, et enchantements.

Source : Formulaire de Haute-Magie, P. -V. Piobb
Ouro-tchozo
Posté le 17/09/2016 11:54:43 je suis avec vous pour connaitre
Invité
Posté le 03/10/2024 18:57:34